Du simulacre de la magie au simulacre de l’art

du 7 janvier au 30 septembre 2021

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Du simulacre de la magie au simulacre de l’art - Le parcours graphique de Gera et Gedewon à la fin du XXe siècle

Du 7 janvier au 1er décembre 2021

Gedewon Mekonen (né en 1935) et Gera Mewi Mezgebu (né en 1941) ont grandi et ont été éduqués dans une Éthiopie chrétienne où la conception scientifique occidentale n’avait pas encore pénétré et où, de la science arabe, n’avait été retenu que ce qui confortait d’antiques spéculations sur le graphisme et la parole. Pour les Éthiopiens d’alors la Terre était plate. Ils acquirent séparément et informellement la maîtrise de ce savoir ésotérique orienté vers la pratique au cours de leurs dernières années d’études religieuses consacrées à la poésie rhétorique.

Leurs carrières respectives de savants lettrés furent indépendantes. Toutefois Gera étudia quelque temps à la célèbre école de rhétorique de Washera alors que Gedewon y était répétiteur. Devenus maîtres en poésie rhétorique, ils enseignèrent quelque temps dans la région du lac Tana, puis gagnèrent Addis Abeba dans les années 1960 avec l’espoir d’y obtenir une chaire, mais en vain. Ils y vécurent en partie de leur savoir ésotérique, Gedewon se faisant un nom dans les pratiques les plus secrètes et les plus rémunératrices, et Gera acquérant une réputation de savant en talismanique. Ils se croisaient parfois lors de rencontres informelles entre professeurs de rhétorique le dimanche à la cathédrale de la Trinité.

En 1973 Gera, puis en 1975 Gedewon furent sollicités par un étudiant étranger, Jacques Mercier, de lui enseigner l’art talismanique. Au cours de ces enseignements, vite devenus atypiques, leur qualité de rhéteur leur permit de développer une herméneutique (usuellement lacunaire), qui les plaça bientôt en position de créateurs, versions modernes des Hénoch et Salomon, fameux pour leurs talismans. Leur art fut révélé au monde occidental par l’exposition, conçue par Jacques Mercier, au Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie à Paris en 1992, puis par de multiples expositions en France, au Japon, en Allemagne, aux États-Unis, au Brésil, en Grande-Bretagne… En Éthiopie, il resta confidentiel.

Gera et Gedewon différaient fondamentalement des artistes éthiopiens contemporains et de beaucoup d’autres artistes, en ce qu’ils avaient de profondes racines, au lieu d’être à leur recherche ou d’en exploiter des stéréotypes. Ils ont transmuté, de l’intérieur, un savoir antique en un art contemporain, vivant, non répétitif. Ce rarissime évènement s’est produit au moment où les autorités locales entreprenaient d’éradiquer ce savoir au nom de la lutte contre les superstitions.

Jacques Mercier, septembre 2020.

Rendez-vous

Rencontre au salon de lecture J. Kerchache

Avec Jacques Mercier et Hélène Joubert le jeudi 3 juin à 18h30.

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