Bambou gravé
Objet
- Type d'objet : Objet
- Géographie : Océanie – Mélanésie – Nouvelle-Calédonie
- Culture : Océanie – Kanak
- Date : fin du 19e - début du 20e siècle
- Matériaux et techniques : Bambou
- Dimensions et poids : 93,5 x 1,8 x 1,8 cm, 83 g
- Donateur : Mr Masson ;
- Précédente collection : Musée de l'Homme (Océanie) ;
- Exposé : Non
- Numéro d'inventaire : 71.1948.12.2
Description
Trois nœuds et fermé aux deux extrémités, très mince et très finement dessiné.Quatre registres :- premier registre : du côté du numéro : douze lignes parallèles sur lesquelles des triangles isocèles reposent sur leur base. Ils ne se touchent pas et représentent les sillons d'ignames. Une ligne horizontale de triangles opposés par le sommet et rayés sépare ce premier registre du suivant.- deuxième registre : il est parcouru dans le sens de sa longueur par trois bandes de triangles opposés par le sommet, la ligne verticale passant entre les deux sommets.Sont-ce des motifs de coquillages inspirés de la flèche faitière, sont-ce des feuilles d'ignames poussant au long de la tige grimpante ? Nous ne pouvons trancher la question ; nous penchons plutôt pour la seconde hypothèse car tous les motifs semblent inspirés directement de la culture de l'igname.Entre deux de ces lignes, on retrouve deux dessins identiques : une ellipse entourant une ligne brisée, elle-même surmontée de petits triangles striés, figuration du champ d'ignames ou de l'autel à igname et de sa force de végétation et de fécondation, de sa vie. Une même ligne brisée entourée d'une double ligne et surmontée de deux lignes de triangles, les sépare du suivant.- troisième registre : dessin classique de la grande allée du village avec ses deux cases projetées sur le sol, avec leur flèche faîtière en coquillages (?), le grand mât représenté à travers le chaume, et les piliers du bas de la case. De chaque côté de cette allée sont représentés des cocotiers avec leurs fruits et l'araucaria, arbre mâle.Autour de la grande case du bas ont été disposés une multitude d'oiseaux étalés [sic], les ailes écartées, la tête en avant, marquant qu'il s'agit là de la grande case des hommes où loge la puissance et la force du clan.Au-dessus de ces oiseaux, quatre dessins analogues à ceux qu'on a déjà trouvés sur le registre précédent sont formés d'une ellipse surmontée de triangles et entourant une ligne brisée, des chevrons, des triangles opposés par le sommet ou des losanges, et une très fine ligne brisée. Sur celui du haut, les triangles sont surmontés de très courtes lignes droites.Ce sont toujours les mêmes représentations : le champ de cultures d'ignames et ses tuteurs, et la force de vie de la terre qui alimente les tubercules, et les fait naître petit à petit comme un enfant dans le sein d'une mère.- quatrième registre : il est séparé du précédent par un nœud. Ce très long registre est recouvert par quatre lignes brisées, au sommet desquelles se trouvent trois petits traits. L'une de ces lignes brisées se termine par un triangle recouvert de petits traits. Il s'agit là de tiges grimpantes d'ignames dont les feuilles naissantes sont figurées sous forme de petites lignes parallèles. L'extrémité de ces lignes est un triangle recouvert de petites lignes qui représentent bien l'igname et ses radicelles. Une ligne formée par deux lignes brisées collées de chaque côté d'une ligne verticale et disposées de chaque côté, est encore une figuration symbolique de la tige grimpant et s'enroulant autour de son support. Ces derniers dessins ne vont pas jusqu'au bout du registre.
Usage
Ce bambou a pour thème essentiel la culture. Tout se centre autour du village et plus encore de ces deux grandes cases réunies par l'allée centrale, qui forme le nœud affectif de toute la vie canaque, qu'elle soit sociale, politique ou agricole. Près d'une grande case, une multitude d'oiseaux étendus, les ailes déployées, figurent la puissance immense de celui qui réside dans ce lieu et qui est la source de toute vie, même de celle du terroir. En effet, près de ces cases, la terre en tant qu'elle est une puissance de vie, de fécondation, de maternité, est représentée sous forme de quatre ellipses : - La terre-sexe féminin- La terre-humidité, cette dernière étant figurée par un losange qui est le coquillage- La terre-sillons avec des chevrons- La terre-vie sans cesse renaissante, avec la ligne sinueuse qui est le symbolisme du totem et de sa force vive.Autour de cette partie purement spirituelle du bambou, se déroule les schèmes suivants : les champs de sillons sont préparés, les ignames en triangles sont plantées sous la terre ; elles poussent et leurs hautes tiges s'enroulent autour des tuteurs.Le bambou est un bambou autochtone calédonien. D'autres bambous sont en bambou de Ceylan (introduit dans l'île par les Européens) qui supplante aujourd'hui le bambou autochtone. Il est plus gros, moins solide, à grain noir, serré. A l'usage, il ne présente pas le vernis "sui generis" du bambou autochtone.Le bambou gravé est aussi appelé "canne de voyage", parce que le Kanak l'emporte pour ses voyages. Il sert à trois fins principales :- Ces gravures sont un mémorial d'incidents fameux.- L'intérieur sert d'étui où l'on enferme des herbes magiques.- Le bambou lui-même, secoué en cadence sur le sol, résonne et sert soit à rythmer une danse religieuse, soit à écarter les esprits.Ces bambous présentent un grand intérêt parce que des plus anciens aux plus récents, on peut suivre l'évolution du mode de représentation kanak au contact avec les occidentaux.