Amulette de maison
Objet
- Type d'objet : Objet
- Géographie : Asie – Asie occidentale – Turquie – Adiyaman
- Culture : Asie – Kurde
- Date : 2ème moitié du 20e siècle
- Matériaux et techniques : Coton, bois, graines de rue sauvage (Peganum harmala)
- Dimensions et poids : 135,5 x 59 x 3,5 cm, 745 g
- Mission : Bernard Dupaigne ; Précédente collection : Musée de l'Homme (Asie) ;
- Exposé : Non
- Numéro d'inventaire : 71.1966.48.50
Description
Graines, tissus et une barre de bois. Forme générale d'un triangle prolongé par un grand rectangle. Bride de suspension en coton blanc, au sommet du triangle supérieur. L'intérieur de ce triangle est constitué par un entrecroisement, en nombreux petits losanges, de petites graines jaune-verdâtres à 3 renflements, enfilées sur un fil de coton blanc. Les deux côtés supérieurs du triangle sont ornés de petits carrés de tissus de couleurs vives, blanc, jaune, rose, rouge, vert, bleu traversés par le fil de coton blanc et disposés en une ligne continue. Le 3ème côté du triangle est constitué par une large barre de bois recouvert d'un tissu de coton imprimé, à losanges bleus et jaunes. Symétriquement à cette barre de bois, est disposé un triangle analogue au triangle supérieur, fait et orné de la même façon : ; Des deux côtés inférieurs de ce triangle pendent 75 éléments constitués de graines pareilles à celles garnissant les triangles symétriques et - à espaces irréguliers de petits carrés de coton, de couleurs vives et variées, enfilés sur un fil de coton blanc. Ces éléments sont terminés par des carrés plus grands de tissus de couleurs. Des extrémités de la barre de bois supérieure partent, en outre, deux boucles de graines et de tissus enfilés, réunies à la partie inférieure par un point de coton. Une autre boucle plus courte - de graines et de tissus enfilés est passée autour des deux boucles. larg. max. = 135 cm. larg. max. = 60 cm
Usage
A la fois amulette contre le mauvais oeil, talisman et ornement, cet objet est placé sur un mur des maisons kurdes. Il est à moitié "nazarlik" (= contre le mauvais oeil et à moitié "süs" (= pour la décoration). Il est fabriqué par la femme et les jeunes filles de la maison pour leur maison. II n'y a ni époque spéciale pour sa confection, ni cérémonie spéciale marquant son installation dans la maison. Il sert jusqu'à ce qu'il soit en trop mauvais état ou qu'on ait envie d'en voir un nouveau. Rien de spécial non plus pour son remplacement par un autre. Les femmes en font quand elles en ont le temps ou l'envie. Dans une maison nous avons vu des rangées de graines déjà enfilées et un petit sac de ces graines qui ne sont pas comestibles et sont cueillies spécialement pour en faire des "üzelik". Ces üzelik vont toujour par paire, ils sont disposés, en général, sur le mur qui fait face à la porte d'entrée, l'un à côté, de l'autre. Cet emplacement est voulu : c'est pour distraire le mauvais oeil, lui faire oublier ses mauvaises intentions. En Turquie, on brûle ces graines de peganum harmala (üzerlik en turc) pour que leurs vapeurs éloignent le mauvais oeil. En Iran, il existe, sous le nom de "esfanj", des ornements semblables à celui décrit ici, composés également de graines disposées en triangles surmontant un rectangle, qui sont placés -surtout dans le sud du pays dans les mosquées et dans les maisons. On a aussi l'habitude de brûler des graines "espanj," contre le mauvais oeil.Le peganum harmala (harmal) est une plante vivace, de souche ligneuse, de 40 cm de haut. Les feuilles alternes vert glauque, sont divisées en lanières étroites. Elles émettent une odeur désagréable quand on les froisse. Les fleurs de 2 cm possèdent 5 pétales blanc-jaunâtre, 10 à 15 étamines à filets très élargis à la base. Les 5 sépales étroits sont persistants. Ils entourent une capsule sphérique à 3 loges contenant de nombreuses graines anguleuses noires. Quelles vertus aurait-elle cette herbe pour être séchée et suspendue en petit fagot sur la porte ou au milieu d’une parcelle de terrain cultivée dans le jardin du voisin, dans le berceau d’un enfant, dans la voiture des gens, dans des ateliers, dans des boutiques... ?Très connue depuis la nuit des temps, le livre sacré des zoroastriens «Avesta» décrit cette herbe comme un tranquillisant et un purifiant. Ils l’ont utilisée pour soigner, pour les cérémonies d’enterrement, et aussi dans leurs temples.Les peuples d’Asie Centrale, entre autres les ouzbeks, croient toujours que ses branches protègent des mauvais oeils et son encens apporte la chance à la fois chassant les mauvais esprits. De là les fagots de harmala accrochés sur les portes.Les graines d’harmala sont utilisées également chez les derviches pour rentrer en trans (extase) lors d’exécution de leurs rituels mystiques. Les gens, souvent, se font une amulette de ses graines mises en minuscule sachet en tissu et la porte sur eux.Lors de traitement en encens de harmala, médicinal ou mystique, les gens font de telle sorte que la fumée touche tout le corps. La médecine traditionnelle recourt toujours à ce moyen ancestral pour soigner les rhumatismes, le rhume, la fièvre paludéenne, les neurasthénies, comme un somnifère, les infections des voies urinaires et l'estomac, ainsi que l'application lors de constipation et l'atonie de l'intestin. En outre, il est utilisé pour les problèmes du cycle menstruel, pour la stimulation de l'activité sexuelle et pour le détraquement des nerfs, surtout pour la maladie de Parkinson, pour la chute des cheveux, pour les hémorroïdes et pour le traitement des blessures.Tout de même, il faut faire attention au surdosage de harmal qui peut entraîner des problèmes de respiration, des nausées, de la somnolence, des hallucinations, des crampes, l'augmentation de la pression artérielle.Des bains d'harmala sont traditionnellement indiqués pour traiter l'insomnie, retirer la fatigue, soigner les maux de tête et l'excitabilité nerveuse chez les enfants. Le harmal est réputé pour arrêter la diarrhée, pour purifier le sang et pour guérir les maladies des articulations (rhumatismes). Il faut s’en procurer pour éviter le rhume.La plante de peganum harmala est traditionnellement utilisée comme colorant. Un colorant rouge «rouge de Turquie» est obtenu à partir des graines en Asie occidentale pour teindre la laine des tapis.