Présenté par Stéphane Vieyra, président de l’association Paulin Soumanou Vieyra.

Les deux séances consacrées au cinéma de fiction sont traversées par deux grands motifs dont l’association étroite constitue le point commun des trois films : l’eau et la mort. 

Ces films adoptent un point de vue intime et convoquent des motifs ancrés dans les cultures ouest africaines en les transcrivant avec tous les codes de la modernité à l’écran. Les films des deux pionniers du cinéma ouest africain entrent en résonnance avec le film de Mati Diop, incarnation d’une génération héritière et créative. Atlantique est le film le plus politique des trois tout en reprenant le choix de traiter le motif du point de vue des individus, de leurs relations, de leurs affects et de leur destin propre.

N'diongane, un film de paulin soumanou vieyra

sénégal, 1953, 18 min - fiction, VOFR, n&b

Le scenario est adapté du conte « Petit mari » de Birago Diop datant de 1947. Il raconte un moment de vie de l’épouse et des deux enfants d’un chasseur, juste après sa disparition, tué par un lion. La sœur aînée reporte son affection pour son père sur son frère en la dissimulant derrière des railleries. Investis du titre de N’diongane, Petit mari, conférant à l’enfant un statut qui lui attire les moqueries de ses camarades, il fuit et se jette dans la mer. 

Paulin Soumanou Vieyra, a réalisé aussi bien des documentaires que des fictions. Dans ce drame, il utilise une voix narrative s’adressant directement au spectateur, celle d’un griot, transposant le dispositif de la tradition orale d’Afrique de l’ouest vers le media audiovisuel.

La copie du film est conservée à la Cinémathèque Afrique, crée en 1961 par le ministère de la Coopération pour contribuer à la conservation, la restauration, la numérisation et la diffusion du cinéma africain. Les droits du film sont gérés par Stéphane Vieyra, fils de Paulin Soumanou Vieyra. Le film a été sélectionné au Festival de Moscou en 1965. Il fait aujourd’hui partie de la liste des classiques du continent africain, numérisés en 2020 pour renaître sur les écrans. 

sur la dune de la solitude, un film de Timité Bassori

côte d'ivoire, 1966, 18 min – fiction, VOFR, n&b

Le thème est inspiré de la divinité vodoun Mamy Wata, la sirène des eaux, qui apparait sous l’apparence d’une femme pour séduire les humains et les prendre sous sa protection. Le film la met en scène dans un décor moderne, dans une rencontre entre deux jeunes gens, un soir, au bord de la lagune. Le jeune homme et la jeune femme font connaissance et passent la nuit au bord de l'eau. Le lendemain matin, au réveil la jeune fille a disparu. Les amants se retrouveront dans des circonstances troublantes et terrifiantes. 

Timité Bassori, pionnier du cinéma ivoirien, a fait ses études à l’IDHEC de Paris. Sur la dune de la solitude est son premier film, un film fantastique qui manie les émotions et les destins croisés. Pour lui, ce n’est pas le cinéma qui fait la révolution d’un pays, c’est la révolution d’un pays qui fait le cinéma. Sa position se distingue dans un contexte politique revendicatif de l’époque. Il réalise des films où l’intériorité des personnages, le psychodrame, le monde invisible reflètent la réalité africaine, plus que les grands engagements politiques.

Comme le film Lamb, la copie de Sur la dune de la solitude est conservée et gérée par la Cinémathèque Afrique de l’Institut Français. Elle a été restaurée en 2021 avec la collaboration du laboratoire Eclair dans le cadre du plan 20 films pour 2020 visant le retour sur les écrans d’un ensemble de films sélectionnés par la Cinémathèque Afrique et le CNC. Les droits sont gérés par le réalisateur lui-même, Timité Bassori.