Lignages et lignes de chant chez les Peuls Wodaabe du Niger
Texte imprimé
- Auteurs : Loncke Sandrine (1968-....) ; Seydou Christiane ; Zemp Hugo ; Institut National des Langues et Civilisations Orientales ;
- Editeurs : [S.l.] [s.n.] ;
- Date d'édition : 2002
- Sujets : Peuls (peuple d'Afrique) -- Thèses et écrits académiques -- Niger, Bororo (peuple d'Afrique), Chansons
- Langue(s) : Français
- Description matérielle : 1 vol. (410 f.), 30 cm
- Pays de publication : France
Notes
Publication autorisée par le jury ; Bibliogr. f. 393-409. Filmographie et discographie f. 410 ; Thèse de doctorat ; Etudes africaines. Ethnomusicologie ; Paris, INALCO ; 2002
Résumé
Cette étude porte sur les chants polyphoniques masculins d'une population d'éleveurs nomades : les Peuls Wodaabe, ou Bororos, du Sahel nigérien. Les quinze lignages wodaabe vivant au Niger possèdent chacun un “chant de marque” (jeldugol) par lequel ils s'identifient mutuellement et se différencient les uns des autres lors des rassemblements cérémoniels interlignagers. Ces chants, les Wodaabe les conçoivent comme hérités directement de leurs ancêtres lignagers, qui les auraient eux-mêmes “prélevés” à partir d'une forme unique. Et de fait, l'ensemble du corpus présente une réelle homogénéité stylistique, bien qu'aucun chant ne soit semblable. À l'analyse, il apparaît cependant que la reconnaissance de possession d'un chant authentique n'est jamais qu'un sceau imposé a posteriori et en constante réévaluation, au gré de toute une dynamique relationnelle d'intégration et d'exclusion dont le principal enjeu est le maintien d'un équilibre des rapports de force entre lignages. L'observation contextualisée des différentes modalités d'interprétation de ces chants indique en outre que leur identité formelle, foncièrement mouvante, n'émerge jamais qu'in situ, dans un jeu de confrontation avec autrui oscillant entre rapports de complémentarité ou d'opposition selon qu'il convient de repousser ou, au contraire, de restreindre la frontière entre Nous et les Autres. Au delà des représentations, il s'avère ainsi que ces chants ne sont pas tant le fruit d'une diversification arborescente originelle que d'un procès de différenciation continu, transversal et réflexif, qui donne finalement à entendre la façon dont le tissu relationnel de cette société nomade se recompose constamment, dans le temps comme dans l'espace. ; Each of the fifteen Wodaabe lineages of Niger has its own 'branding song'. At interlineal ceremonies, these songs are used by the various lineages to identify each other. The Wodaabe consider them to be inherited from their lineal ancestors. All of these songs are indeed stylistically homogeneous, but none are quite the same. However, further analysis reveals that recognizing the authenticity of a song amounts to placing a stamp on it a posteriori. Indeed, this act of recognition is constantly revaluated according to a dynamic of integration and exclusion, whose main goal is to maintain the balance of power between the various lineages. Furthermore, whereas the Wodaabe describe these songs as branching out from a common trunk, they might more accurately be described as emerging through a process of continual differentiation - that is, through a network of ritual interactions that reveals how the social fabric of this nomadic society is constantly being temporally and spatially rewoven.