Pour le nouveau cycle de son Université populaire en 2022, le musée du quai Branly - Jacques Chirac a souhaité croiser les disciplines et confronter les points de vue. Pour ce faire, il a confié la programmation à l’historienne de l’art Anne Lafont et l’anthropologue Anne-Christine Taylor, qui ont conçu un programme ouvert et exigent autour de la notion de transmission.
La conférence est également accessible en ligne sur YouTube.
Qu’est-ce que transmettre une œuvre chorégraphique, dans ses variations, ses réinterprétations, par ses sources à la fois somatiques et matérielles ? Si les systèmes de notation (par exemple la notation Laban) permettent la reprise et la recréation de certaines pièces, la transmission opère sous de multiples formes, d’un corps à un autre, à travers les gestes, les images, les mots.
La séance mettra en dialogue deux recherches, entre histoire de l’art et création chorégraphique : l’une porte sur l’ancrage matériel de la création et de la transmission chorégraphiques, par les traces graphiques, les dessins, les images, les croquis, et l’autre sur les processus et les enjeux de la réinterprétation d’œuvres venues du passé, en s’appuyant plus particulièrement sur les pièces chorégraphiques de Ruth Saint Denis et Ted Shawn, chorégraphes étatsuniens précurseurs au tout début du 20e siècle de la danse moderne américaine. Nombre d’archives de danseurs et de chorégraphes comportent des carnets, des dessins, des « brouillons chorégraphiques » qui témoignent de pratiques d’écritures entre le verbal et le non verbal, l’image et le signe : autant de traces graphiques et sensibles de la pensée et de la création, supports pour la recherche comme pour la réinvention. Le travail de recréation des soli de Ruth Saint Denis et de pièces de groupe de Ted Shawn par Anne Collod a non seulement généré une réflexion sur les sources rendant possibles ces réinterprétations, réflexion de longue date chez Anne Collod, mais aussi sur la fabrication des représentations de « l’autre » en danse, et sur la part même d’appropriation culturelle de ces deux chorégraphes qui puisèrent abondamment pour leurs créations dans les danses de l’Inde et de l’Asie du Sud-est. Entre le corps et ses images, entre la page et le plateau, avec la partition, il s’agira de considérer quelques modalités de transmission en danse dans le monde occidental, non sans tenter de saisir les transferts culturels à l’œuvre dans l’histoire de la modernité en danse.
Pauline Chevalier est maîtresse de conférences en histoire de l'art et conseillère scientifique à l’INHA où elle a initié un programme de recherche en 2018 dédié aux pratiques graphiques en danse, du XVè au XXè siècles (dessins, diagrammes, carnets de notes, systèmes de notation et traités). Elle dirige le domaine « Histoire des disciplines et des techniques artistiques » au sein de l’INHA et s’intéresse aux objets-frontières, intermédiaires graphiques du geste et de la pensée (images techniques, traités). Ses précédents travaux se concentraient sur les relations entre danse et arts visuels pour la période contemporaine (espaces de la page et espace scénique, danse au musée, collaboration et pratiques du corps dans les arts visuels). Elle a coédité Le Musée par la scène : le spectacle vivant au musée, aux éditions Deuxième Epoque (2018) et publié Une Histoire des espaces alternatifs à New York, de SoHo au South Bronx (1969-1985) aux Presses du réel en 2017.
Danseuse et chorégraphe, par ailleurs diplômée en biologie et en environnement, Anne Collod a été interprète chez différents chorégraphes avant de se consacrer à la recréation d’œuvres chorégraphiques du début du XXe siècle en cofondant le Quatuor Albrecht Knust. Puis elle crée l’association …& alters qui prolonge son intérêt pour les enjeux de traduction, d’interprétation et de transmission liés à la réinterprétation des œuvres, et axe son travail sur les “utopies du collectif“. Elle fait une rencontre décisive en 2003 avec la chorégraphe américaine Anna Halprin, pionnière de la danse post-moderne. En 2008, elle recrée en dialogue avec elle sa pièce phare Parades and changes (1965) - recréation qui recevra à New-York le prestigieux Bessie Award- suivie en 2011 de Parades and changes, replay in expansion. D’Anna Halprin toujours, suivra, en 2016, la recréation de la Blank Placard dance, une performance urbaine inspirée des mouvements protestataires des années 1960, puis en 2021 CommUne Utopie, un spectacle jeune public inspiré des scores de la chorégraphe américaine. Elle continue en parallèle à explorer et réinterpréter d’autres œuvres chorégraphiques : Lauréate du programme « Hors les Murs » de l’Institut Français pour son projet Danses macabres qui la mène au Mexique et au Japon, Anne Collod créé en 2014 le Parlement des invisibles, hanté par une danse macabre des années 30. Puis en 2019 Moving alternatives, une pièce pour six interprètes, interroge les représentations dans le genre et l’exotisme créées au début du 20e siècle par les chorégraphes étatsuniens Ruth Saint-Denis et Ted Shawn. Développant également une recherche sur l’in-situ et sur les liens entre danse et environnement, elle propose en 2017 Exposure, une performance in-situ immersive et pluridisciplinaire pour une performeuse et un site industriel de production d’énergies. Anne Collod est également pédagogue et formée à la méthode Feldenkraïs.
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INTERVENANTS
- Pauline Chevalier, historienne de l'art, maîtresse de conférence à l'Université de Bourgogne - Franche Compté
- Anne Collod, danseuse et chorégraphe
- Anne Lafont
Cycle : le corps
- Durée : 01:30
- Lieu : Théâtre Claude Lévi-Strauss
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Dates :
Le mercredi 06 avril 2022 de 18:30 à 20:00 - Public : Tous publics
- Categorie : Université populaire
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Gratuit (dans la limite des places disponibles)