Eczet Jean-Baptiste (2010-2011)

Contenu

Nom : Eczet
Prénom : Jean-Baptiste
Statut : Doctorant (Ecole pratique des hautes études, section des sciences religieuses, Paris)
Laboratoire de rattachement : Centre d’étude des mondes africains (Cemaf)
Membre du réseau international de recherche sur le corps CORPUS

Domaine de recherche

Ethnographie des Mursi
Onomastique, poésie, ornements corporels
Conception de la personne et réseaux relationnels
Relation au bétail (cattle complex)

Anthropologie générale
Esthétique et anthropologie de l’art
Système d’âge et de génération

Formation

Depuis 2006 : préparation d’un Doctorat d’anthropologie sociale à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris, sous la direction de Michael Houseman (Directeur d’études, EPHE). 

2006 : Master 2 de recherche « Sciences des Religions et Sociétés » à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris.

2005 : Maîtrise d’Ethnologie et de Sociologie Comparative (Certificat Afrique), à l’Université Paris X-Nanterre (92).

2003 : Licence d’Ethnologie et de Sociologie Comparative, à l’Université Paris X-Nanterre (92).

2002 : D.E.U.G. de Sociologie, à l’Université Toulouse II- Le Mirail (31).

Depuis 2006, je conduits des recherches sur les Mursi, dans la basse vallée de l’Omo en Ethiopie, où j’ai mené plusieurs mois d’enquête de terrain. En plus de ma thèse de doctorat, je m’efforce de proposer mes recherches à une plus large audience : une exposition éponyme, mêlant photographies, textes, graphiques, animations vidéo et sons s’est tenue au musée national d’Addis Abeba en avril 2010. D’autres lieux et dates sont en court d’évaluation.

Mon mémoire de maîtrise est consacré à l’étude de la course à pied au Kenya, pour lequel j’ai effectué trois mois d’observation participante avec des coureurs. De même, un terrain a été consacré à une recherche sur les coureurs éthiopiens. Analysés dans ces ressorts interactionnels, les modes de vie et les entrainements des coureurs d’Afrique de l’Est sont un thème de recherche complémentaire à mon doctorat.

 

Projet(s) de recherche

Chez les Mursi, le visuel est un mode de perception privilégié pour se construire et pour entrer en relation avec l’autre. Dans les noms et les poèmes chantés au cours de rituels, les agencements de couleurs sont les vecteurs de la relation entre l’individu et le monde. De plus, le corps est le seul support de l’expression plastique : l’usage continu d’ornements corporels dans sa construction est un moyen de penser sur la société. La présente recherche a pour objectif de comprendre l’usage du mode visuel dans l’ontologie Mursi.
Les Mursi mettent l’accent sur la spécificité de la relation en attribuant à l’autre, au cours de sa vie, une multiplicité de noms, comme autant de manières de le voir. Enoncés avant chaque dialogue, les noms donnent un cadre à l’interaction : ils permettent d’exprimer en un instant toute la subtilité d’un rapport interpersonnel. L’identité est ainsi donnée par l’autre et explicite la place de l’individu vis-à-vis de chaque membre de son réseau relationnel. Ces noms sont des variations des couleurs liées à chaque individu : elles en sont des dimensions constitutives et la couleur principale, le ree, veut d’ailleurs dire « corps ». Ces variations de couleurs (métaphores, métonymies, camaïeux, etc.) sont trouvées dans les éléments du monde : le charbon et la pleine nuit rappelle le noir, le léopard et le ciel étoilé rappelle le tacheté. Etre nommé en référence à un élément de l’environnement oriente l’individu vers les autres expressions de lui dont il prend peu à peu conscience. L’énonciation de poèmes chantés (zilüe) est un moyen d’affirmer son identité en regroupant dans des paroles ces autres expressions de soi dont on a pris conscience dans le regard de l’autre. L’individu n’est pas une entité absolue et se définit alors par un faisceau convergent d’éléments du monde et de relations dans lesquelles il est engagé.
Le corps avec ses ornements est envisagé comme un artefact vivant : il participe à des pratiques collectives et à une pensée sur la société. A l’inverse des associations visuelles présentes dans les noms, les ornements corporels sont toujours identiques et différencient peu les individus. Les modalités d’existence de ces décorations et de ces modifications corporelles, leurs natures comme leurs motifs, font du corps le point nodal de formes sociales. Ils figurent différents aspects du collectif : activités rituelles, meurtre, rapport de l’homme à la femme, relations avec les morts, etc. Ils ont des formes sous déterminées, archétypales. Par exemple, le plateau labial est un modèle saillant qui sature l’espace visuel (« dans » le visage des femmes), et qui concentre, en un tout délimité, les activités humaines de type cérémoniels et leurs variabilités, tous construits sur le même modèle du cercle. Les autres décorations sont aussi des synthèses de formes autrement dispersées dans le temps et dans l’espace : scarifications, coupes de cheveux, robes de femmes, etc., regroupent des éléments du monde social sur le corps et participent à la définition de l’ontologie Mursi
L’intérêt porté à l’esthétique et ses diverses expressions permet de reconsidérer les Mursi et leur organisation en classes d’âge. La personne émerge d’un système de proche en proche et de positions relatives contrairement à l’analyse sociopolitique qui propose un ensemble strict de catégories préétablies. Dans la perspective de cette étude, les systèmes de classes et de générations seraient une expression « verticale » (hiérarchique) et temporelle d’un système plus large de définition du même et de l’autre. De plus, l’étude des expressions poétiques dans le rapport de l’homme au bétail permet de revenir sur la question du cattle complex qui reste toujours posée.
L’esthétique mursi constitue une cosmologie non discursive qui réside au cœur de pratiques concrètes. Son étude est nécessaire car son usage et ses choix formels sont déterminants pour la compréhension de l’ontologie locale. Elle permet d’accéder à une meilleure connaissance ethnologique des Mursi, et, plus généralement, des nilotes d’Afrique de l’Est.

Publications

Articles
2010, « Le peuple des couleurs », entretien avec Pierre Zaoui, revue Vacarme, n°52, Editions Amsterdam.

(à paraître) 2011, “Spreading the self : naming and multilayered identity among the Mursi”, in Susanne Epple and Felix Girke (eds), Images of Self and Other. Essays on Identity and Cultural Diversity in Ethiopia. Köln: Köppe Verlag.

(à paraître) 2011, « La poésie Mursi, distribution de la personne et distribution de l’objet », dans A. Klein & J. Biaudet (eds) L’objet de la recherche en sciences humaines et sociales, L’Harmattan.

(à paraître) 2011, “The biautiful ideas of the disfigured: about the Mursi lip-plate (southern Ethiopia)”
In F. Duhart (ed), Foreign Bodies, Le Manuscrit.

Compte-rendu
Gustaff Verswijer & hans Silvester, 2010, Omo, peuples & design, Editions de la Martinière et Musée Royal de l’Afrique Centrale, in Journal des Africanistes, 80, 1-2 (2010).