La nouvelle vitrine du salon de lecture Jacques Kerchache met à l’honneur les savoirs maritimes des peuples de l’Afrique de l’Ouest.
Remettre les voiles
Vitrine du salon de lecture J. Kerchache
Contenu
Remettre les voiles
Vitrine du salon de lecture jusqu'au mardi 4 avril 2023
L’un des premiers objets collectés au Sénégal par la mission Dakar-Djibouti (1931-1933) est une pirogue de mer et son gréement. Sa restauration pose un problème inédit : comment remettre en place le mât et la voile, quand certains éléments – espars, cordages – sont manquants et que la pratique de la pêche en mer à voile a disparu depuis les années 1950 sur les côtes du Sénégal ?
En complément des fiches de terrain de la mission, les chercheurs peuvent compter sur la documentation du musée, qui a été dépouillée par Pape Laity Diop (Université Cheikh Anta Diop et Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et complétée par les archives du socio-anthropologue Jean-Pierre Chauveau (IRD).
Parmi les sources ici exposées figurent des classiques, comme la première enquête de terrain de George Balandier chez les Lébous, ainsi qu’un texte peu connu de Théodore Monod, présentant ses hypothèses sur les origines du gréement des pirogues sénégalaises. Aquarelles, dessins, photographies et ouvrages scientifiques permettent de mieux comprendre les pratiques de navigation des populations littorales du Sénégal. Les modèles réduits, en particulier les deux exemplaires présentés dans cette vitrine, collectés par l’ethnologue Henri Labouret (1878-1959) à Saint-Louis du Sénégal sont également des sources précieuses.
Cette vitrine veut ainsi mettre à l’honneur les savoirs maritimes des peuples de l’Afrique de l’Ouest.
- Voir la pirogue et son gréement dans la base de données : 71.1931.74.16 et 17
Un gréement qui pose question
La pirogue sénégalaise est équipée d’une voile carrée à livarde, c’est-à-dire tendue par un espar que les Lébous appellent verg ou verga. L’origine de ce gréement est controversée. Certains ethnologues ont cherché à apprécier ses emprunts à des voiliers européens, en particulier portugais, en s’appuyant sur les mots désignant les parties du gréement : verga, bom, ma… Dans son étude, Théodore Monod nous alerte sur les risques de ces lectures généalogiques :
« Le domaine humain, écrit-il, reste celui de l’imprévu et de cette spontanéité gratuite qui irrite si souvent notre obstination à vouloir "expliquer" ce qui, peut-être, n’est pas explicable. »
Cliquez sur les n° d'inventaire ou les cotes pour accéder aux notices des documents dans les bases de données du musée :
[ 1 ] Saint Louis du Sénégal, ville à droite, cases à gauche, 1852-1854. René Gillotin (1814 – 1861)
[ 2 ] Débarcadère en aval de Saint-Louis, 1840-1856. René Gillotin (1814 – 1861)
[ 3 ] Pirogue de pêche au large de Dakar, c. 1850. Carte postale collection Jean-Pierre Chauveau. Reproduction
[ 4 ] Pirogues au sec, 1950. Léon Pales (1905 – 1988)
[ 4 ] Pirogue Lébou, 18 mars 1946. Léon Pales (1905 – 1988)
[ 5 ] Sur un détail du gréement de la pirogue Wolof-Lébu (Sénégal), Lisboa : Actas da conferencia internacional dos africanistas ocidentais em Bissau, 1952. Monod, Théodore (1902-2000),
[ 6 ] Modèle de pirogue Sénégal. Avant 1933. Bois de fromager
[ 7 ] Les pêcheries des côtes du Sénégal et des rivières du Sud. Gruvel, Jean Abel (1870-1941) Paris : A. Challamel, 1908
[ 8 ] Les pêcheurs Lebou du Sénégal : particularisme et évolution, Saint-Louis-du-Sénégal. Balandier, Georges (1920-2016) et Mercier, Paul (1922-1976). Centre IFAN-Sénégal, 1952.
[ 9 ] Modèle de pirogue Sénégal. Avant 1933. Morceau de calebasse creusée, tissu.
[ 10 ] Départ des pêcheurs-Plage de Guet N’dar à St Louis (Sénégal), 1890-1900. Emile Noal (actif fin 19e)
[ 11 ] Pirogue démâtée conduite à la rame, 1929-1933. Henri Labouret (1879 – 1959),
PP0001129 et PP0001154
Détail des cartels
La vitrine en images
Vitrine "Remettre les voiles" du salon de lecture J.K. (février 2023)
© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Julien BrachhammerRencontre avec Jean-Pierre Chauveau, socio-anthropologue, Directeur de recherche émérite à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement).
Le musée est engagé dans un projet ambitieux : avec ses partenaires scientifiques, il réexamine l’histoire de cette mission marquante qui s'est déroulée en Afrique pendant la période coloniale.