Afin de rappeler dès le début de l’exposition l’origine littéraire du mot Patagonie, le public est accueilli par des lectures de citations extraites du roman de Primaléon (1512) ou provenant du récit du navigateur Antonio Pigafetta. Le visiteur pénètre dans l’univers fantasmagorique de l’exposition avec une série de tirages du photographe argentin Hugo Aveta sur les immenses glaciers de Patagonie.
Du récit à l’image
Cette première partie de l’exposition plonge le visiteur dans un voyage à travers les représentations imaginaires de la Patagonie des XVIe et XVIIe siècles : le bout du monde où tout est possible…
Duplessis : Le voyage de Beauchesne en Terre de feu (1698-1701)
Entre 1698 et 1701, le capitaine de vaisseau Jacques Gouin de Beauchesne (1652-1730) conduit une expédition jusqu’au détroit de Magellan. Duplessis membre de l’équipage, rédige un journal très vivant, illustré de nombreuses aquarelles détaillant les côtes, la faune des lieux approchés, essentiellement poissons et oiseaux. Il raconte également l’épisode de rencontre avec les "Sauvages du détroit de Magellan". Il décrit de façon très précise et réaliste les échanges entre Européens et Indiens, dans un récit qui témoigne d’une réelle curiosité, sans prévention à l’égard des Indiens.
Le manuscrit de Duplessis, document rarement montré, est présenté accompagné d’un diaporama de pages de l’ouvrage. Moins d’un siècle plus tard, Nicolas Restif de la Bretonne (1734-1806) situe l’action de sa fable utopique La découverte australe par un homme volant, ou Le dédale français en "Magapatagonie". Il y invente une Patagonie totalement imaginaire : de l’autre côté du monde, elle est décrite comme une France inversée, dont la capitale s’appelle "Sirap" ("Paris" à l’envers). Un album de gravures de Jacques Grasset Saint-Sauveur (1757-1810), illustre ce thème accompagné d’un diaporama de gravures de l’ouvrage de Restif de la Bretonne.
Toucher du doigt la réalité : explorations et relevés
Le 19e siècle voit s’étendre des explorations plus systématiques : la couverture géographique et ethnographique du monde s’étend et se précise. Le Voyage au Pôle sud et dans l'Océanie par Dumont D’Urville entre 1837 et 1840 traverse le détroit de Magellan. Comme leur homologue Duplessis, bien que de façon plus distanciée, les dessinateurs de marine vont s’efforcer de rendre fidèlement la physionomie des paysages et de leurs habitants par le dessin, puis la photographie. A la fin du siècle, la mission scientifique du cap Horn produit un enregistrement extensif de plusieurs aspects de la Terre de Feu.
Martin Gusinde et la cérémonie du Hain
Entre 1918 et 1924, Martin Gusinde (1886-1969), prêtre et ethnologue, part en Terre de Feu. Formé à l’anthropologie au Chili, il consacre une grande partie de son temps à une étude extensive des populations qui peuplent le territoire. Il interroge, observe, photographie les Qawesqar et Yamana nomades des canaux, ainsi que les Selk’Nam de la Grande Île. L’étude de Martin Gusinde se situe à un moment charnière, dans les débuts de l’anthropologie participante. Sa recherche, effectuée après les hécatombes de la fin 19e, témoigne d’une ethnographie de l’urgence. Il est en outre l’un des premiers anthropologues à être initié sur son terrain, et l’un des rares à avoir pu observer la cérémonie du Hain, étudiée ensuite par l’anthropologue Anne Chapman (1922-2010). Ce rituel initiatique, qui peut se dérouler sur une année entière, est photographié par le missionnaire dans ses dernières manifestations.
Exposés pour la première fois, une quarantaine de tirages originaux sont visibles dans cette partie de l’exposition, et des photographies de Martin Gusinde sont projetées en grand format accompagnées de musique de cérémonie du Hain - rite d’initiation des jeune hommes Selk’nam - restituant l’atmosphère particulière et fantastique de ces rituels.
représentations contemporaines
À l’heure actuelle, la Patagonie et ses mythes fascinent toujours, les artistes contemporains s’emparent du territoire, qu’ils revisitent eux aussi. L’exposition propose au visiteur de découvrir le regard de trois photographes sur la Patagonie :
- Rodrigo Gomez Rovira (Chili, 1968) donne de ces paysages une vision résolument quotidienne et intime où se perçoit la poésie prégnante des lieux.
- Faustine Ferhmin (France, 1980) revisite les lieux décrits dans le mythe de la « Cité des Césars », eldorado utopique patagonien dont le mythe apparaît au début du XVIe siècle.
- Esteban Pastorino (Argentine, 1972) explore par la photographie les paysages du bout du monde, les étendues inhabitées de Terre de feu.