Le cycle des Grandes Révoltes est heureusement interminable, tant la révolte est permanente. Cette année, Marcel Duchamp, Richard Wagner pour évoquer les avant-gardes ; et la marche des droits civiques aux USA, rappel qui ne peut pas faire de mal.
La Longue Marche de Mao
Ou comment un authentique exploit militaire est devenu un mythe fondateur de la Chine communiste
Depuis 1928, le général nationaliste Chiang Kaï-shek est parvenu à réunifier la Chine sous l’autorité du parti Guomindang. Victimes d’une répression féroce menée par les nationalistes à partir de 1927, les communistes répliquent par des soulèvements armés qui aboutissent à la création d’une république soviétique de Chine. En 1931, Mao est élu président de cette république morcelée et composée notamment des soviets d’E-Yu-Wan et du sud-Jiangxi. Chiang Kaï-shek déterminé à mettre fin à la sécession, lance quatre campagnes d’extermination contre les bases communistes sans succès. A partir de 1933, une cinquième campagne, marquée par la victoire nationaliste de Guangchang en 1934, motive la décision d’évacuation du sud-Jiangxi par le pouvoir communiste, alors monopolisé par la troïka formée par Bo Gu, Zhou Enlai et Otto Braun, qui dirigent la tendance dite « internationaliste » soutenue par Moscou. Ecarté de la direction du PCC depuis août 1932 par les « internationalistes », Mao Zedong ne peut se voir imputer la responsabilité de la déroute du Jiangxi et apparait alors comme un possible recours.
La première phase de la Longue Marche (10 octobre 1934 - janvier 1935) est particulièrement douloureuse pour l’armée rouge qui perd plus de la moitié de ses effectifs lors de la traversée de la rivière Xiang. Une réunion d’urgence convoquée à Zunyi en janvier 1935 marque un tournant majeur : lâchés par Zhou Enlai, Bo Gu et Otto Braun cèdent la direction militaire des opérations à Mao. Après neuf mois d’incertitudes (20 janvier-18 octobre 1935), la longue marche de Zhang Guotao qui avait dû évacuer le soviet d’E-Yu-Wan dès le printemps 1934 et avait mené avec succès ses 45.000 hommes au nord-est du Sichuan et celle, dramatique, de Mao, à la tête de seulement 15.000 hommes se rejoignent à Maoerkai. Mao parvient, malgré un rapport des forces défavorable, à obtenir le ralliement de la majorité de l’équipe dirigeante à son choix pour la route du nord-est. Cette orientation transforme un exode aux allures de sauve-qui-peut en une expédition destinée à s’opposer aux agresseurs japonais qui avaient fait de la Mandhourie depuis 1932 un protectorat de l’Empire du Soleil Levant. Son armée gagne le nord Shaanxi le 18 octobre 1935. Les 10.000 survivants des 100.000 partis un an plus tôt sont accueillis dans un petit soviet dirigé par Gao Gang et Liu Zhidan. Les soldats de Zhang Guotao, quant à eux, sont détruits en cherchant à gagner le Xinjiang: Zhang et une poignée de survivants se réfugient au nord Shaanxi en vaincus. Mao n’a plus de rival et un exploit militaire incontestable à son actif, l’écriture de la légende de la Longue Marche peut commencer : elle fonde la légitimité du pouvoir communiste et du rôle dirigeant de Mao dans le PCC.
ALAIN ROUX
Né à Nice en 1935, Alain Roux est agrégé d’histoire et docteur d’état à l’Université Panthéon-Sorbonne. Spécialisé dans l’étude de la Chine contemporaine, il a consacré de nombreux travaux au mouvement ouvrier chinois à Shanghai de 1927 à 1949. D’abord professeur à l’Université Paris VIII-Saint-Denis puis à l’institut National des Langues et Civilisations Orientales, il est depuis 2002 professeur émérite des Universités. La Chine Contemporaine (Armand Collin, 2015), Le Singe et le Tigre : Mao, un destin chinois (Larousse, 2009) et Chiang Kaï-shek, le grand rival de Mao (Payot, 2016) comptent parmi ses publications les plus récentes.
- Durée : 01:30
- Lieu : Théâtre Claude Lévi-Strauss
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Dates :
Le mercredi 13 juin 2018 de 18:30 à 20:00 -
Accessibilité :
- Handicap auditif bim (T)
- Handicap moteur
- Public : Tous publics
- Categorie : Les Grandes Révoltes
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Gratuit (dans la limite des places disponibles)