Notre mode de vie urbain impose une mobilité sur de longues distances. A l’inverse, les Indigènes d’Amérique seraient dénaturés s’ils quittaient forêts et campagnes.
Cette représentation est également celle des nations dans lesquels vivent ces peuples. Au Mexique, les études mayanistes tendent pourtant à dépeindre des logiques sociales bien plus nuancées. Des fouilles archéologiques mettent notamment en évidence l’existence de diasporas mayas à Teotihuacan, emplacement de l’actuelle capitale du pays.
En tant qu’anthropologue, nous sommes remontés dans cette profondeur historique afin de mieux appréhender les enjeux actuels d’une société tseltale. Les Tseltals sont une population maya habitant principalement au sud du Mexique, dans l’Etat fédéral du Chiapas.
Durant toute la période préclassique, les Mayas se sont organisés en villages (de -2000 à -700, préclassique ancien), puis autour de plateformes d’édifices publics (-700 à -300, préclassique moyen) et de centres civico-religieux importants (-300 à 250, préclassique récent). Les premières grandes cités sont apparues dès le III° siècle av. J.-C. dans les basses terres. Les Mayas de l’actuel Chiapas semblent avoir adopté un mode d’organisation de type plus seigneurial. Un « gouvernant », ajaw en tseltal, régnait sur un territoire administré. Des centres cérémoniaux à l’architecture défensive, pourvus de murailles et de fossés, mettaient à profit l’escarpement naturel du relief montagneux pour renforcer leur position.
Lors de la conquête espagnole du XVI° siècle, les Tseltals sont donc familiers d’aménagements regroupant de fortes densités humaines, fruit de dynamiques centrifuges et centripètes complémentaires. Or, aujourd’hui, nombre de ces sociétés tentent de correspondre à l’image réifiée d’une culture « traditionnelle ». Une analyse plus poussée révèle plutôt une survie due à de profondes mutations structurelles.
En deçà d’une rhétorique de sauvegarde d’un patrimoine immatériel visant à défendre les droits indigènes, se nichent aujourd’hui les parcours singuliers de jeunes filles, à San Juan Cancuc. En se mouvant à Mexico, elles ne correspondent ni à ce que leurs villages d’origines ni à ce que la communauté internationale attend d’elles. Dès lors, dans quelle mesure ces mobilités mayas sont-elles vouées à mouvoir ?