Le samedi 2 avril 2022 marque le début du ramadan, terme qui signifie «grande chaleur».
Figures d'ombres des collections du musée
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un mois de de partage, de convivialité et de fête
Le ramadan est aussi un mois de partage, de convivialité et de fête. Après le repas de rupture du jeûne, l’iftar, les villes s’animent et se remplissent de leurs habitants qui entament leurs activités nocturnes. Les dômes et les minarets s’illuminent de couleurs magiques. Les cafés débordent. Une sorte de carnaval emplit les rues et les souks.
Des spectacles de théâtre d’ombres animaient les nuits de ramadan :
Figures d'ombres des collections du musée
Figure d’ombres : Karagöz jouant du tambour Turquie, milieu du 20e siècle Carton découpé et peint 71.1952.39.11
© © musée du quai Branly - Jacques ChiracDans les villes comme Le Caire, Damas ou Istanbul, le spectacle le plus populaire et le plus prisé était autrefois celui du théâtre d’ombres qui, sous de multiples noms, a fait le bonheur et la joie des spectateurs, petits et grands, et provoqué leur rire.
Ce spectacle était généralement joué le soir, dans les cafés, sur une scène érigée à cette occasion. Derrière un écran de toile blanche éclairé par des lanternes, un montreur manipulait des figurines plates et articulées, avec grand renfort de bruitages variés et de textes improvisés.
Ces figurines, découpées dans de la peau de chameau ou de bœuf, étaient rendues translucides par lavage, grattage et polissage puis recouvertes de couleurs vives.
Des spectacles de théâtres d’ombres animaient les nuits de ramadan
L’origine exacte du théâtre d’ombres demeure, jusqu’à nos jours, inconnue. Certains auteurs prétendent qu’il serait originaire de Chine, d’autres d’Inde, d’autres encore de Java. Ce qui est certain, c’est qu’il est d’origine asiatique.
Mais si l'origine asiatique du théâtre d'ombres est aujourd'hui incontestée, nous ignorons quand et comment il a pénétré au Moyen-Orient.
A-t-il été introduit par les Tziganes du nord-ouest de l’Inde comme le suggèrent certains historiens, ou par les Chinois ? ou encore par les commerçants arabes qui entretenaient des échanges commerciaux avec les pays sud-asiatiques ? Autant de questions qui demeurent une énigme.
L’origine mystérieuse du théâtre d’ombres oriental…
Le théâtre d’ombres semble déjà bien connu dans le monde arabe au 9e siècle. Le célèbre juriste et théologien al-Shafi’i (767-820) est un des premiers auteurs à l’avoir mentionné dans un couplet devenu célèbre :
« J’aperçois dans le théâtre d’ombres un précepte remarquable
Pour celui qui, par la connaissance de la vérité, est souverain.
Des personnages et des ombres qui passent puis s’éclipsent ;
Tous pétrissent, seul le manipulateur est éternel ».
A partir de cette date, de nombreuses sources littéraires attestent que cette forme d’expression théâtrale, que l’on désigne à partir du 11e siècle par le nom de khayal al-dhill, ou la « silhouette de l’ombre », est présente dans les cours des abbassides de Bagdad (750-1258), celle des Fatimides du Caire (969-1171) et qu’elle était particulièrement appréciée par Saladin (113-1193), qui aimait assister à ces représentations de théâtre d’ombres qui évoquaient des récits d’épisodes religieux ou héroïques.
C’est néanmoins au 13e siècle, sous le règne des Mamlouks d’Egypte (1390-1517), que cette forme théâtrale connaît son plus grand développement. Ibn Daniyal, médecin et dramaturge d’origine irakienne, qui s’est installé au Caire en 1266, va jouer un rôle primordial dans le développement du théâtre d’ombres. Trois des pièces qu’il a écrites, dont le texte mêle vers et prose rimée, langue savante et dialectale, sont parvenues jusqu’à nous. Elles nous révèlent un art comique et satirique, parfois obscène, où le chant, la musique et la danse font partie intégrante du spectacle.
Le théâtre d’ombres dans le monde arabe
D'Égypte, le théâtre d’ombres se répand au 16e siècle en Turquie avec un répertoire enrichi de nouveaux personnages. L'un d'entre eux, Karagöz (« œil noir »), naïf et espiègle à la fois, porte-parole et défenseur du peuple, laisse son nom au théâtre d'ombres turc. Au 19e siècle, le théâtre d’ombres karagöz, se répand partout en Méditerranée et devient le divertissement populaire par excellence. En Syrie et en Afrique du Nord, le théâtre Karagöz est utilisé comme moyen de critique politique et sociale.
Pierre Loti, en 1879, trouve que Karagöz « offre beaucoup d’analogies de caractère avec le vieux polichinelle français…Il lui arrive de se permettre des facéties tout à fait incongrues, et de faire devant tout le monde des choses qui scandaliseraient même un capucin… »
Naissance de Karagöz
A partir du début du 20e siècle, le théâtre d’ombres Karagöz connaît un lent déclin. Sa magie ne fonctionne plus. Il est détrôné par le théâtre, puis par l’art cinématographique et enfin par la télévision. Les nombreuses tentatives de restaurer le Kargöz, comme celles de moderniser les textes en y intégrant des problèmes réels ou celles d’y introduire certaines nouveautés techniques, restent vaines.
Si cet art séculaire a aujourd’hui presque totalement disparu en Syrie, où il ne subsiste qu’un seul montreur, Chadi al-Hallaq*, le spectacle de karagöz survie en Turquie** où il est donné principalement dans les salles de spectacles et les écoles sous la forme d’un divertissement destiné essentiellement aux enfants.
- **En 2018, l'Unesco a inscrit le théâtre d’ombres syrien sur la Liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente
- ich.unesco.org/fr/USL/le-thtre-dombres-01368
- **En 2009, l’Unesco a inscrit le Karagöz sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité
- ich.unesco.org/fr/RL/le-karagz-00180
Disparition du théâtre d’ombres Karagöz
Le théâtre de Karagöz comprend, en plus des deux héros principaux, Karagöz le gaffeur, et Hacivat l’érudit, une cinquantaine de décors et de personnages.
On y voit ainsi Çelebi, le jeune dandy, Tiryaki, le fumeur d'opium ; Zenna, la jeune fille mais aussi toute une kyrielle de figures « ethniques » de l’empire : l’Albanais, l’Arabe, l’Arménien ou encore le Juif.
Les personnages du théâtre d’ombres turc
Si le théâtre syrien a emprunté nombre d’éléments et de personnages au théâtre karagöz turc, comme Karagöz et hadji ‘Iwaz (les Karagöz et Hacivat turcs), il a introduit des personnages mythiques comme ‘Antara ibn Shaddad, héros d’un roman médiéval arabe.
Les personnages du théâtre d’ombres syrien
sur les théâtre d’ombres en Syrie et en Turquie
- Karakoz & Iwaz :
- Spectacle de marionnettes: « Monstre-poubelle » Cengiz Özek, Institut français, Turquie :
- Ayhan Hulagu, Turkish Karagöz Puppetry in the United States :
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Ressources liées