Présenté par Laurent Pellé, délégué général du festival Jean Rouch.

Dans les années 60, le mouvement des indépendances transforme la manière de filmer le réel. Les centres urbains, hérités des périodes coloniales, deviennent le nouvel horizon de la jeunesse et un centre d’intérêt pour les cinéastes. Jean Rouch s’intéresse à la jeunesse, aux migrations et aux nouvelles pratiques culturelles et sociales auxquelles elles donnent naissance. Le décret de censure Laval interdisant aux peuples colonisés de se filmer eux-mêmes est levé, Paulin Soumanou Vieyra saisit la caméra. Si la réalisation de Lamb est très marquée par la formation parisienne de Paulin Soumanou Vieyra et par l’anthropologie visuelle française, son regard est celui d’un africain sur son propre territoire.

La goumbé des jeunes noceurs, un film de jean rouch

france, côte d'ivoire, 1965, 28 min - documentaire, VOFR, couleur

Jean Rouch filme ces images à Abidjan, dans le quartier de Treichville où l’association « la Goumbé des jeunes noceurs » se réunit régulièrement pour échanger et préparer de spectaculaires exhibitions de chants et de danses modernes à l’occasion des Grandes réunions. Les goumbés regroupent de jeunes villageois venus du Sahel tenter leur chance en ville et qui, grâce à ces associations, s'assurent entraide et solidarité, comme il est de coutume dans leurs milieux ruraux d’origine. 

La caméra de Jean Rouch a quitté le fleuve, les falaises et la brousse pour diriger son regard vers les migrations et l’exode rural. L'Afrique Occidentale française connaît à cette époque une mutation des modes de vie et des lieux d’attractivité. Il s’intéressait déjà au sujet de l’exode rural et de la transition vers une forme de modernité dans Moi un Noir et les Maîtres fous. Dans La Goumbé des jeunes noceurs, il filme la vie associative, la vie nocturne, la joie des moments de danse, de chants, de sports et d’échange partagés. 

La copie du film est distribuée par Les Films du Jeudi, aujourd’hui dirigés par Laurence Braunberger, fille de Pierre Braunberger, producteur fidèle et historique de Jean Rouch. 

lamb, la lutte sénégalaise, un film de paulin soumanou vieyra

sénégal, 1963, 18 min – documentaire, VOFR, couleur

La lutte traditionnelle qui se dénomme "Lamb" en wolof et qui rappelle la lutte gréco-romaine, est un sport national très prisé au Sénégal. Elle a des règles particulières et très strictes. Les lutteurs s'entrainent sur la plage. Ils préparent leurs futurs combats. Chaque spectateur peut parier sur son lutteur favori dans une ambiance festive aux arènes de Dakar. Les combats ont lieu et se présentent autant comme une fête folklorique que comme un sport, suivant en cela la tradition africaine.

Béninois de naissance et Sénégalais d’adoption, Paulin Soumanou Vieyra est un des précurseurs du cinéma africain. Premier réalisateur, critique et historien de cinéma africain, on lui doit une trentaine de documentaires et un seul long métrage. Premier Africain diplômé de l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), il tourne en 1955 Afrique-sur-Seine, film culte qui marque les débuts du cinéma africain. Il est à l’origine de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI) en 1969. 

La copie 35mm de Lamb conservée à la Cinémathèque Afrique a été numérisée et restaurées numériquement en 2020 par le laboratoire Eclair.  Sélectionné en compétition court métrage en 1964 à Cannes, Lamb est à nouveau mis à l’honneur en2018 dans la sélection Cannes Classics. Stéphane Vieyra, fils de Paulin, gère la distribution des films de son père.