Playlist "Black Indians"

La Nouvelle-Orléans

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L’ethnomusicologue Renaud Brizard vous guide en musique à travers les styles et genres qui font la riche histoire et l'âme d'une ville qui ne ressemble à aucune autre : La Nouvelle-Orléans !

Cette playlist est un voyage à travers la riche histoire de la musique à La Nouvelle-Orléans depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui. Les genres et les styles se succèdent dans ce berceau du jazz, du blues et du rock, et restent irrigués par la musique des Second Lines et des Black Indians, emblèmes de la ville depuis la fin du 19e siècle. Laissez-vous guider dans cette exploration chronologique des musiques qui font vibrer La Nouvelle-Orléans, du rhythm and blues au funk en passant par la soul, de la bounce au rap, à travers leurs grandes figures.

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Piste de la playlist associée : "Bourbon Street Parade" de Louis Armstrong et The Dukes of Dixieland (1960)

Le jazz s’est développé à La Nouvelle-Orléans à la fin du 19e siècle, nourri par l’influence des fanfares locales et du blues. La chanson "Bourbon Street Parade", composée par le batteur Paul Barbarin (1899-1969) en 1949, est un parfait exemple du jazz de cette ville avec ses roulements de caisse claire et sa syncope caractéristique.

Cette composition fait partie des standards que les Second Lines jouent encore aujourd’hui lors des parades. Elle rend hommage à la rue Bourbon, une rue historique de La Nouvelle-Orléans et datant de l'époque de la Louisiane française. Louis Armstrong, le célèbre trompettiste, chanteur et compositeur, né en 1901 à La Nouvelle-Orléans, en a enregistré une version en 1960 avec les Dukes of Dixieland. Ce groupe s’inscrit dans le mouvement de revival du jazz de La Nouvelle-Orléans à partir de la fin des années 1940. D’ailleurs, le terme de "dixieland", parfois employé pour désigner le jazz de La Nouvelle-Orléans est ambigu : au départ il servait à désigner la musique des ensembles noirs, avant d’être utilisé pour désigner les ensembles blancs jouant une version parfois stéréotypée et commerciale de cette musique.

Le jazz de La Nouvelle-Orléans

Pistes de la playlist associées : "Marie La Veau" de Papa Celestin & The Original Tuxedo Jazz Band et "Marie Laveau" de Big Chief Alfred Doucette

Marie Laveau (1801-1881) est la prêtresse vaudou la plus célèbre que La Nouvelle-Orléans ait connu au cours du 19e siècle. On trouve des mentions de cette figure emblématique dans de nombreuses chansons, comme c’est le cas en 1954 de "Marie La Veau" du cornettiste et chef d’orchestre louisianais Papa Celestin (1884-1954) accompagné de son groupe The Original Tuxedo Jazz Band. Papa Celestin raconte dans le détail l’histoire et les activités (envoutêment, divination, interprétation des rêves) de cette femme, une manière de lui rendre hommage et de réhabiliter sa mémoire. Autre exemple : Big Chief Alfred Doucette, légende des Black Indians et membre des Flaming Arrows Warriors, rend très souvent hommage à cette figure qui lui est apparue plusieurs fois dans ses rêves. Il a créé un costume spécial représentant Marie Laveau dans un cimetière et en 2007, il lui a consacré une chanson au titre éponyme.

 

Marie Laveau, muse des musiciens de La Nouvelle-Orléans

Pistes de la playlist associées : "I Know" de Barbara George,  "Things Have Changed" de Prince La La et "Mojo Hannah" de Tami Lynn

En 1961, le musicien, compositeur et producteur Harold Battiste crée la maison de disques All For One Records (AFO) spécialisée dans la soul et le rhythm and blues. Il a remarqué que les maisons de disques blanches profitent largement des revenus générés par les artistes noirs tandis que ces derniers ne reçoivent qu’un maigre salaire correspondant au temps qu’ils ont passé en studio. Le label AFO propose alors un nouveau modèle aux musiciens noirs : ils sont propriétaires de la musique qu’ils créent et possèdent des parts de l’entreprise.

Pendant les deux années d’existence d’All For One Records, Harold Battiste compose et produit de nombreux tubes aux côtés des meilleurs musiciens de studio de la ville, dont "I Know" de la chanteuse louisianaise Barbara George, "Things Have Changed" du chanteur Prince La La et "Mojo Hannah" de Tami Lynn.

 

La soul à la sauce de La Nouvelle-Orléans

Pistes de la playlist associées : "Jockomo, Jockomo" de Bo Dollis & The Wild Magnolias

À La Nouvelle-Orléans, depuis le 19e siècle, le carnaval, Mardi gras, les mariages, les funérailles et les autres festivités qui ont lieu tout le long de l’année, sont célébrés par des brass bands, des fanfares, qu’on appelle les Second Lines, et qui paradent pendant des heures dans les rues de la ville. Pendant le défilé de Mardi Gras, on trouve à l’avant de chaque groupe les Black Indians et leurs costumes faits de plumes et de perles. Ils chantent au rythme des tambours et des tambourins. Puis viennent la fanfare et les danseurs qui se greffent peu à peu au convoi. Dans chaque fanfare, il y a d’abord les instruments à cuivre, c’est-à-dire la trompette, le saxophone, le trombone, et le tuba. Dans le défilé, ces instruments sont suivis par deux tambours, la grosse caisse, qui donne le rythme de cette marche syncopée, et la caisse claire qui improvise. Les danseurs qui les suivent tapent des mains, secouent des tambourins ou frappent sur des instruments improvisés comme des bouteilles.

The Wild Magnolias est une tribu de Black Indians et leur leader est Bo Dollis. Sur leur album "I’m Back…At Carnival Time!" (1990), ils reprennent "Jockomo, Jockomo", un chant qui fait partie des standards du répertoire des Black Indians.

 

La musique des Second Lines

Pistes de la playlist associées : "Bounce (For The Juvenile)" de DJ Jimi et Juvenile, "New Orleans Block Party" de Partners-N-Crime et DJ Jubilee, "Back That Azz Up" de Juvenile, Lil Wayne, "Church Girl" de Beyoncé, et Mannie Fresh, "NO Bounce" de Big Freedia

La musique bounce est un style de hip-hop propre à La Nouvelle-Orléans dont la figure de proue actuelle est la musicienne Big Freedia. La bounce est née à la fin des années 80 quand des DJ locaux comme DJ Jimi et DJ Jubilee ont commencé à passer en boucle et à retravailler un passage instrumental de la chanson "Drag Rag" des Showboys. Les rappeurs représentaient les différents quartiers de la ville et guidaient les danseurs qui pouvaient danser des heures au son de cette musique. Cette musique est intimement liée à celle des Black Indians et des Second Lines : au niveau du chant, elle est caractérisée par des appels et réponses, tandis que les boîtes à rythmes de la bounce reprennent les motifs rythmiques des marches jouées par les fanfares. Cette musique va se mêler aux codes du gansta rap dans les années 90 à travers les productions des labels locaux No Limit et Cash Money Records.

En 1998, le morceau "Back That Azz Up" du rappeur Juvenile popularise la musique bounce au-delà des frontières de la Louisiane.

 

La bounce music, la bande originale des années 90