prix pour la photographie 2023

Il y a quelques années, à la suite de conversations avec ma grand-mère, je me suis lancée dans l’exploration de l'histoire de ma famille. Ce voyage m'a conduite sur différentes trajectoires : de la réalisation d'un test ADN à l'apprentissage du maya, en passant par la réalisation des images de cette série et d'un film sur les abeilles, les connaissances ancestrales et leur relation avec la science.

Le projet a pour sujet principal ma grand-mère, María Jesús Duarte Mosqueda, et les nombreuses histoires qu'elle m'a racontées ces dernières années. Ma grand-mère a aujourd'hui 98 ans et je souhaite que ce travail soit compris comme une lettre d'amour que je lui adresse.

Xuna'an Kaab est un terme maya qui signifie « abeille royale » ou « reine des abeilles ».  La reine des abeilles est le noyau d'une lignée génétique, tout en étant la principale source de vie d'une colonie. Ce terme fait également référence à l'apiculture, les apiculteurs étant ceux qui créent l'environnement nécessaire à la survie, à l'éducation et à la protection des abeilles. La relation entre les abeilles et les apiculteurs est un cycle de destruction et de construction, de lutte et de survie.
En prenant ce constat comme base de mon projet, j'ai conclu que ma grand-mère m’apparaissait à la fois comme la reine des abeilles et l'apicultrice. Tout au long de sa vie, elle a été confrontée à des difficultés et a dû travailler sans relâche pour créer un environnement permettant à sa famille de survivre, puis de vivre.

Les histoires de ma grand-mère inondent ces images. Les moments qui sont restés dans mon esprit lors de nos conversations façonnent les gestes, les annotations et les paysages représentés.Pendant six mois, j'ai travaillé entre le Mexique et l'Espagne dans les lieux reflétant les différents états d'esprit, les chagrins d'amour et les espoirs qui transparaissaient dans les récits de ma grand-mère.  Ces différents lieux d'où mon grand-père est originaire ont également contribué à faire de ma grand-mère ce qu’elle est devenue.

Loin d'être biographiques, les images forment une sorte de réécriture. C'est grâce à cette réécriture que la réparation est possible, par le biais d’images décoloniales. C'est l'occasion de voir autrement et de désapprendre. Et même si ce processus ressemble parfois à un processus de destruction, j'essaie toujours de me rappeler que la destruction implique aussi la reconstruction, à l’instar du cycle naturel de la reine des abeilles Xuna'an Ka'a, auquel se réfère l’histoire personnelle de ma grand-mère.

Mónica Alcázar-Duarte