L’exposition "Maro ʻura. Un trésor polynésien" (19 octobre 2021 - 9 janvier 2022) retrace l’histoire d’un objet hors du commun: un fragment composite longtemps considéré comme l’enveloppe d’un to’o (effigie divine en vannerie) et récemment identifié comme pouvant être un fragment de ceinture de plumes extrêmement rare: le maro 'ura. Stéphanie Leclerc-Caffarel, responsable de collections Océanie, et Guillaume Alevêque, chercheur associé à l’IIAC (Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain), reviennent sur trois chefs-d’œuvre présentés dans cette exposition.
Focus sur 3 œuvres présentées dans l'exposition Maro ʻura
Par Stéphanie Leclerc-Caffarel et Guillaume Alevêque, co-commissaires de l'exposition
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Stéphanie Leclerc-Caffarel et Guillaume Alevêque : Nous avons eu le plaisir de réunir dans cette exposition de nombreuses pièces exceptionnelles d’art polynésien, d’hier et d’aujourd’hui, mais trois d’entre elles sont plus particulièrement emblématiques de ce que nous voulions présenter au public du musée.
Il y a tout d’abord le fragment textile qui est au cœur de l’exposition. Les nombreuses recherches menées sur cette pièce ont permis de l’identifier, avec un fort degré de certitude, comme la seule relique d’un maro ʻura connue à ce jour.
Aux îles de la Société, jusqu’au début du 19e siècle, les maro 'ura étaient les insignes de souveraineté les plus prestigieux. Il s’agissait de longues et larges ceintures recouvertes de milliers de petites plumes, rouges et jaunes pour la plupart.
L’un de nos principaux défis était de permettre au visiteur de dépasser la matérialité dégradée de ce fragment, pour qu’il puisse se faire une idée de la délicatesse esthétique et de la complexité technique de l’objet tel qu’il était autrefois. Notre ambition était également de mettre en lumière son importance historique et culturelle. Pour cela, nous avons choisi de présenter l’enquête et les analyses qui ont étayé son identification, mais aussi de replacer ce maro 'ura dans son contexte d’utilisation, parmi les objets de pouvoir les plus sacrés que comptait autrefois la Polynésie.
Le fragment est ainsi, dans l’exposition, entouré d’autres artefacts de grand prestige, associés notamment aux plus grands chefs et prêtres des îles de la Société. Ces «trésors», au sens polynésien du terme, illustrent aussi certains principes esthétiques et techniques récurrents dans les objets régaliens de Polynésie, perçus comme des vecteurs du pouvoir divin parmi les hommes. Ainsi, l’importance des plumes, les techniques de fabrication particulièrement élaborées et les associations de matériaux aux propriétés visuelles puissantes (couleurs, contrastes) que l’on retrouve dans les arts de plusieurs archipels de Polynésie sont particulièrement mis à l’honneur.
Le manteau de plumes de Hawaii du Musée d’Histoire Naturelle de Lille en est la plus extraordinaire illustration. De tels vêtements paraient le corps des chefs hawaiiens lors des cérémonies, mais également sur le champ de bataille où, avec les casques, ils leur offraient une protection physique et sacrée contre les attaques ennemies. L’envergure et l’ancienneté de cette cape en font l’une des plus belles au monde. Entièrement recouverts de plumes jaunes et rouges, ces manteaux sont aussi les objets de comparaison les plus probants pour évoquer l’aspect que devaient avoir des maro 'ura.
Dans cette exposition, nous avons aussi voulu montrer l’écho et l’importance de certains traits de la société pré-coloniale dans la société polynésienne contemporaine. Les magnifiques costumes de danses que l’on découvre en fin de parcours, primés lors du concours de danse annuel du Heiva à Tahiti en 2018, illustrent ainsi la reprise de certains principes esthétiques clés dans la création contemporaine, l’intérêt pour les techniques anciennes, l’élaboration du travail des matières végétales et les collections du Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, co-commissaire de l’exposition auquel ces costumes appartiennent et que le fragment de maro ʻura ira rejoindre à l’issue de l’exposition.
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Vues de l'exposition Maro ʻura. Un trésor polynésien © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photos Thibaut Chapotot